Alors que Bordeaux s’apprête à fêter le vin, laissez- moi vous conter brièvement l’histoire de mon ancêtre Dyonisos, plus connu sous le nom de Bacchus. En effet, ce fût sans doute le plus grand festoyeur de l’humanité toute entière, et il me semblait important de lui rendre cet hommage à l’aune de ces festivités.
Rares sont malheureusement les archives familiales retraçant sa vie, de nombreux papyrus, ayant brulé lors d’une grande fête donnée en sa mémoire au début du 1er millénaire. On sait néanmoins de lui qu’il était le fils de Jupiter et de Sémélé, qu’il fût élevé par les nymphes et passa toute son enfance loin de l’Olympe et des regards malveillants de Junon. Petit et trapu, avec une stature de rugbyman des temps grecs, on le présente comme un être jovial et goguenard. Fût-ce là les prémices son goût pour la fête, il se peut… Toujours est-il que devenu grand, Bacchus fit la conquête des Indes avec une troupe d’hommes et de femmes, puis, passa en Égypte, où il enseigna l’agriculture et l’art d’extraire le miel; il planta aussi de la vigne, et fut alors adoré comme étant le dieu du vin, mais aussi des festivités, et des plaisirs de la vie.
On raconte que mon aïeul était sévère et narcissique et punissait d’ailleurs quiconque s’opposait à l’établissement de son culte. Il faut dire que son aura était immense et que fort nombreux étaient les cortèges qui l’accompagnaient, lesquels étaient constitués de Bacchantes (femmes ou nymphes proches de lui), de satyres, voire de bergers et bergères… . Il ouvrait la marche, et tous le suivait, en cris et en musique. Contrairement à la fête du vin, les festivités de cette époque avaient en revanche tendance à quelque peu dégénérer en fêtes très licencieuses, du fait de l’ivresse publique et des débordements sexuelles qu’elles provoquaient. Retenons que l’être était enclin à « faire la fête » et que comme de nos jours, des excès lui ont valu une réputation un peu surannée.
On a en effet beaucoup palabré sur ces fêtes de Bacchus, connues aussi sous le nom de bacchanales, en les présentant comme de véritables orgies; or, on oublie trop souvent qu’elles donnaient également lieu à des courses, des luttes ou des jeux, mais aussi à des concours de poésie et à des représentations dramatiques; n’oublions pas que Bacchus était aussi le dieu de la tragédie et que « vin et théâtre ont toujours fait bon assemblage ».
Si donc ce week-end, le vin et Bacchus sont à l’honneur à Bordeaux, c’est avant tout l’éloge d’un certain art de vivre, qui perdure à travers l’histoire. Déguster, visiter et festoyer autant qu’il se doit et prenez soin de célébrer Bacchus en bonne
intelligence !
Quant à moi, j’ai prévu certes de festoyer mais aussi de profiter du repos dominical, pour promener mes guêtres dans les vignobles et châteaux environnants; l’esprit encore embrumé par les effluves de la veille, contemplant la cité de Saint-Emilion, je ne manquerai pas de lever mon verre et de déguster un Grand Cru à la mémoire de Bacchus, mon illustre aïeul.