Et si lors d’une visite hivernale d’un château bordelais, le propriétaire me proposait, après avoir arpenté les chais, de boire un bon verre de vin chaud… Au risque de déplaire aux puristes, j’ai en effet choisi cette semaine, montagne oblige, de boire du vin à une température totalement incongrue. Est-ce pour autant faire outrage au précieux nectar? Le vin chaud est-il en soi une hérésie?
Décrié par certains, le vin chaud a pourtant le mérite de revigorer les skieurs et à ce titre, doit être appréciée à sa juste valeur. Comme son nom l’indique, la base de cette boisson reste le vin, même si trop souvent, celui utilisé est une affreuse piquette, d’où un risque avéré d’aigreurs d’estomac.
C’est pourquoi, toujours avide d’expériences, ai-je décidé avec des amis viticulteurs, de tenter de magnifier cette boisson, en me concentrant sur le produit de base, à savoir le vin.
Notre premier postulat fût donc d’utiliser des vins de qualité; par ailleurs, étant entendu que chaque vin possède ses caractéristiques et surtout ses parfums, notre deuxième postulat fût d’avoir une cohérence entre les arômes propres au vin et les épices utilisés dans la recette.
Ainsi, avons-nous décidé de goûter trois vins chauds différents:
– Un premier à base de Fronsac, vin boisé, torréfié, fruits rouges en lui associant des épices « corsés » type poivre, clous de girofles, bédiane et cannelle, ainsi qu’un peu de cognac.
– Un deuxième à base de vin de Puisseguin Saint-Emilion, vins plus fruités, en axant notre « assaisonnement » sur des épices plus doux, comme le gingembre, les écorces d’orange, la cannelle, la cardamone.
– Un troisième à base de Sauternes, avec cette fois outre la cannelle, de la vanille et du miel pour remplacer le sucre.
Sans pour autant que cela soit très étonnant, ces trois vins chauds n’avaient comme seul point commun que celui de se boire chaud. Quant à savoir lequel a été le plus apprécié, c’est un tout autre débat. En effet, tout est histoire de goût, et si personnellement, j’ai préféré « le Fronsac Chaud », nos « testeurs » notamment féminins, ont particulièrement apprécié la suavité du « Sauternes chaud », trop sucré à mon goût.
En revanche, nous fûmes tous unanimes pour dire que nous n’avions jamais bu d’aussi bons vins chauds et que surtout nous avions pris beaucoup de plaisir à cette dégustation agrémentée de quelques dés de tome de Savoie.
Que conclure de cette expérience et de cette dégustation de vin chaud?
– Tout d’abord, que le vin utilisé joue un rôle primordial dans cette boisson et que nos amis savoyards et alsaciens auraient tout intérêt à ne pas négliger le produit de base.
– En deuxième lieu, le vin chaud peut s’élaborer avec tous types de vins, rouges ou blancs, si tant est qu’on adapte les épices aux caractéristiques du dit-vin.
– Enfin, bien fort serait l’amateur de vin, voire l’œnologue capable de découvrir le vin qui se cache derrière tel ou tel vin chaud.
Par la suite, nous nous sommes posé la question de savoir si une propriété viticole étaient à même d’élargir sa gamme de vin, en proposant SON vin chaud. Avouons que ce serait terriblement audacieux de la part d’un propriétaire de proposer à ses hôtes ou clients un verre de vin chaud… Quand bien même l’idée est amusante, cela reste totalement illusoire tant l’image du vin chaud est emprunte de préjugés négatifs. Cette boisson restera donc une amusante et enivrante digression hivernale pour l’amateur de vin que je suis.