La Chine fascine les viticulteurs français tout autant que la France déchaine les passions des chinois. Pas une semaine ne se passe sans un article sur les exportations de vins en Chine, sur les acquisitions de vignobles par les Chinois, sur la hausse de leur consommation, sur les transferts de savoir…. La Chine s’éveille et fascine, mais quels sont donc précisément les rapports entre la Chine et le vin ? entre la Chine et les vins de Bordeaux ?
1. La Chine, un marché du vin en devenir
- En Chine, le vin devient un produit de consommation courante
En introduction, il faut savoir que dans le « Perfect Chinese Way of Life », le vin est omniprésent ; c’est le symbole de la réussite, de la classe, mais aussi de l’amour et du bonheur. Attention, on ne parle que de vin rouge car les vins jaunes font référence à la pornographie et les vins blancs au deuil. De même, il convient de rappeler que les Chinois ne sont pas des latins et sont avant tout des consommateurs d’alcools de grains ; ainsi, le vin est une boisson à part puisqu’il ne représente que 2% de la consommation des alcools, contre 40% pour la bière.
Reste que selon une très récente étude d’ IWSR, la consommation de vin en Chine va augmenter au total de 24,8% de 2014 à 2018, quand elle baissera de 2,8% en France sur la même période. Dés 2013, la Chine est d’ailleurs déjà devenue le premier consommateur mondial de vin rouge (+136% en 5 ans). Enfin, cocorico, les vins français dominent très largement le marché chinois avec près de 50 % de part de marché devant l’Australie (13 %) et l’Espagne (11 %). En résumé, le vin rouge français est en Chine une boisson pour les élites, symbole de réussite. Néanmoins, la spéculation tend à s’estomper, les prix baissent et la classe moyenne chinoise s’intéresse désormais au vin.
- En Chine, le vignoble s’étend
En 2013, le vignoble chinois était le 4ème vignoble au monde, avec sur plus de 750.000 hectares ; c’est plus de 10% du vignoble mondial, avec de surcroît un développement régulier. En revanche, ce n’est que 2,6% de la production mondiale, ce qui la place en 8ème position. Plutôt orienté vers les raisins de tables, il faut préciser qu’une grande partie des vins chinois provient d’assemblage entre la production locale et des vins importés. On aurait cependant tord de penser que les vins chinois ne seront jamais compétitifs en terme qualitatifs. En effet, Les différents climats dans le pays leur permettent une large diversification. De plus, la Chine évolue plus vite que le vieux continent, preuve en est l’essor de l’œnotourisme, ces derniers n’hésitant d’ailleurs pas à s’associer avec une plateforme de réservation en ligne, afin d’accentuer leur développement.
2. Bordeaux, capitale du vin pour les Chinois
- Les Chinois investissent dans le bordelais
Les années 2013 et 2014 ont vu l’emprise chinoise sur le Bordelais s’accentuer et aujourd’hui, ce sont près de 100 châteaux qui sont passés aux mains des chinois ; ce chiffre mérite d’être sérieusement relativisé quand on sait qu’il y a prés de 9000 châteaux dans le Bordelais et que les belges restent les 1ers propriétaires étrangers du vignoble en nombre de Châteaux. Pour bien comprendre ces investissements, il faut avoir en tête que la Chine est le pays du million de millionnaires et de quelques 300 milliardaires !
Dés lors que le vin est considéré comme « un must », il ne faut donc pas s’étonner des investissements chinois dans les vignobles. Parfois pour blanchir de l’argent sale, parfois pour spéculer, les raisons sont multiples, mais le plus souvent acheter un château est un rêve, un symbole de réussite. « Le savoir vivre à la française » est une valeur forte ; aussi pour peu que le château ait quelques siècles d’histoire, c’est l’apanage des grands ! Bien entendu, eu égard à la consommation croissante du vin en Chine, près de 90 % de production est alors exportée. les vins de Bordeaux n’ont jamais été aussi populaires sur le marché chinois et un grand nombre d’étudiants chinois se rendent en France pour apprendre l’œnologie, car le vin en Chine est une véritable filière d’avenir !
- Les Chinois se forment dans le bordelais
En effet, de plus en plus de jeunes Chinois accourent dans la métropole girondine pour se former dans un domaine en pleine expansion dans leur pays. Que ce soit à l’Inseec ou à l’IPC Vins, les chinois représentent souvent plus de 10% des effectifs étudiants. Ils savent qu’étudier le vin en France, et en particulier dans le bordelais, est un véritable « sésame » pour leur carrière future. Certains viennent de milieux plus modestes et travaillent pour payer leurs études, dont le coût annuel varie de 3.800 à 20.000 euros, hors hébergement. Parallèlement, la présence de ces étudiants chinois présente de multiples avantages :
- celui des viticulteurs qui appréhendent ainsi mieux les pratiques commerciales et les goûts de cette nouvelle clientèle;
- celui aussi des nouveaux propriétaires chinois, qui gardent l’équipe d’œnologues français mais s’entourent de compatriotes connaissant le vin.
Ainsi donc, cette récente histoire d’amour entre les vins de Bordeaux et les chinois, ne fait que commencer. Pour les chinois, 2015 sera l’année de la Chèvre. Outre le château Mouton Rothschild qui ne manquera pas de surfer sur cette vague, les bordelais n’hésiteront pas à faire les yeux doux, à ceux présentés à tord comme de grands prédateurs.