La dégustation, une histoire de rôles ?
Quand on est blogueur, on a la chance d’être fréquemment invité à des dégustations. Certains sont blasés ou font mine de l’être, et je dois l’avouer, rien ne m’agace plus que cela. En fait, lors d’une soirée de dégustation, la plupart des invités viennent avant tout rencontrer du monde que boire du vin. Beaucoup jouent un rôle et il convient donc de maitriser son texte et ses postures
La dégustation implique une maitrise parfaite de ses émotions.
En effet, découvrir, s’enthousiasmer, s’émouvoir, semblent pour certains des verbes à bannir lors d’une dégustation, comme s’ils constituaient un aveu de faiblesse. Dans le monde du vin, l’humilité est vaine et mieux vaut jouer la carte de l’indifférence ou de la « neutralité positive » ; « bien fait » « équilibré » sont des qualificatifs qui doivent être perçues pour des superlatifs… seuls les grands crus prestigieux méritent de vraies éloges.
Mieux vaut faire preuve de sobriété tant dans ses commentaires que dans ses émotions ; ne rien laisser paraitre permet d’éviter une erreur d’appréciation, alors qu’en complimentant, on s’expose à la vindicte du sérail qui peut y voir une forme d’incompétence.
La dégustation nécessite une certaine distance avec le producteur
En fait, cela fait bien longtemps que je rêve de voir les dégustateurs faire preuve de plus d’empathie , ne serait-ce que par égard à celui qui leur fait déguster son vin. Certes, sur les tables, les vins sont souvent bus un peu à la chaine ; néanmoins, derrière ces tables, il y a des personnes, qui ont souvent donné tout leur cœur pour élever ce breuvage. C’est pourquoi il me parait évident que le minimum de respect est de dire « merci » ou de glisser un petit mot sympathique, voire de poser une question par simple courtoisie. Quand une maman vous présente son bébé, on lui fait toujours un compliment, même si l’enfant est le plus laid du monde ; hypocrite certes, mais le respect et la bienveillance ne mangent pas de pain.
La dégustation nécessite-t-elle une telle concentration qu’on en oublierait la convivialité et la politesse ? Je ne sais pas d’où cela vient mais dans ce monde un peu fermé, si on veut être pris au sérieux, certains pensent qu’il faut arborer son masque de dégustateur : stoïque, léger rictus , vocabulaire sobre… Toute décontraction ou envolée lyrique est à bannir car cela pourrait être assimilé à de la méconnaissance. En face, celui a versé le breuvage attend un signe qui viendra ou pas, mais peu importe pour le dégustateur … il reste dans son rôle.
La dégustation n’est malheureusement bien souvent qu’un jeu de rôles
Alors, me direz-vous, ce côté condescendant et présomptueux est-il fréquent et en tous lieux ? Fréquent oui quand il s’agit de dégustation avec du monde autour, mais rares en tête à tête, la convivialité et la courtoisie reprenant ses droits. C’est comme un jeu de rôle et cela m’agace fortement de voir le naturel empathique de certains dégustateurs changer pour de simples convenances, « pour se la jouer » comme diraient les jeunes.
Quant aux étiquettes, on pourrait en parler longtemps, puisque bien entendu tout le monde est élogieux et unanime dés lors qu’il s’agit d’un grand cru. Je rêve un jour de pouvoir faire une fausse dégustation en remplissant des bouteilles d’un vin correct avec du vin réputé, type cru classé, et vice versa. Nul doute qu’au-delà des erreurs, on retrouverait des dégustateurs très dédaigneux face aux premiers et enjoués face aux seconds, preuve que tout n’est qu’un piètre jeu de rôle.
C’était mon petit coup de gueule ….mais la semaine dernière, lors d’une dégustation, j’avais trop honte face à l’attitude de certains dont la condescendance frôlait l’indécence.