Après la saga du classement de Saint-Emilion, c’est au tour de l’appellation Pomerol de défier la chronique. En effet, une vingtaine de propriétés de cette mythique appellation craignent de perdre le bénéfice de l’appellation. Cela au simple motif que leur vinification n’est pas effectuée au sein même de l’appellation.
L’AOC de Pomerol en proie à de ridicules contraintes
L’histoire ne date pas d’hier; puisque son point de départ est un décret du 14 octobre 2009 validant le cahier des charges de cette AOC. Dans celui-ci, il était inscrit qu’une propriété, pour pouvoir mentionner sur son étiquette l’AOP (ex AOC) Pomerol, il était nécessaire que le vin soit vinifié et embouteillé dans l’aire de l’appellation. Cette mesure prenant effet en 2018, impliquait donc pour une vingtaine de propriétés; baptisées les « bannis de Pomerol», de construire tout simplement des chais avant cette date… rien que ça !
Ce décret a été annulé par le Conseil d’Etat mais une toute récente décision de la Cour d’Appel de Bordeaux remet de nouveau ces propriétés dans une position de futurs hors-la-loi, si ces investissements ne sont pas menés d’ici 2018. Bien entendu, cet arrêt ne marque pas la fin du match, et l’équipe des « bannis de Pomerol » va jouer les prolongations, en saisissant le Conseil d’Etat, qui espérons-le, ne distribuera pas ces cartons rouges immérités.
En effet, au-delà des arguties juridiques; on ne peut qu’être interloqué par le caractère absurde d’une telle contrainte réglementaire dictée par l’INAO.
Pour s’en convaincre, il convient en effet de rappeler que l’appellation Pomerol s’étend sur une superficie de seulement 813 ha et que les 23 domaines concernés initialement n’en représentent que 35, le plus important affichant tout au plus 4 ha. Aussi, comment donc peut-on imaginer qu’une propriété d’1 ha construise des chais sur une si petite surface? Est-ce à dire qu’il faudrait qu’elle se contraigne à arracher des vignes pour se conformer à cette obligation? Ceci est totalement ubuesque quand on connait le prix de ce terroir de Pomerol, qui se négocie actuellement à 2me l’hectare.
Jusqu’à présent, les « sans-chais » sont autorisés à élaborer leur vin dans quelques communes incluses dans une zone dite de « proximité immédiate ». Cela obéit au pragmatisme terrien, dont devrait parfois s’inspirer nos édiles parisiens. Si certaines propriétés de l’appellation, comme le Château Panet , n’ont pas de souci pour avoir leurs propres chais, certains propriétaires possèdent des vignes et des chais dans des appellations voisines où ils disposent de plus grandes surfaces à cet effet.
Aussi, comment justifier une telle contrainte?
Le dossier est sur ce point tout simplement risible. Puisque le but affirmé est de limiter le transport et la manipulation du vin afin de ne pas altérer sa qualité. Or, comme l’a relevé le Conseil d’Etat en 2012, d’une part ce n’est pas le vin qui est transporté mais le raisin et d’autre part certains transports « intra-appellation » sont plus long que certains « extra-appellation ». De plus, qui peut raisonnablement démontrer que transporter des raisins sur 7 km altère la qualité du vin ? Absurde ! et je dirais même plus : totalement absurde ! Le meilleur exemple est peut-être celui d’un des grands vins de Bourgogne, à savoir le Chablis de la Maison Drouhin, puisque ce dernier est vinifié à Beaune, distant de plus de 140 km !
L’appellation Pomerol est sans conteste, un fleuron du bordelais, avec en fer de lance, le mythique Château Pétrus. Alors même que la concurrence mondiale est rude; pourquoi diantre s’imposer des contraintes de plus en plus strictes vis-à-vis de nos voisins du nouveau monde ? Un proverbe chinois dit « le sage montre la lune du doigt; l’idiot regarde le doigt ! ». Gageons que notre conseil des sages relève la tête !