Faut-il faire payer les visites à la propriété ? Autant il y a 20 ans, la question pouvait se poser, autant aujourd’hui, elle n’a guère de sens ; la réponse est « oui, oui et encore oui », au risque de froisser la susceptibilité de certains viticulteurs. Affirmatif comme je le suis, je me dois donc d’argumenter et voici donc ci-dessous les 5 raisons de « faire payer les visites dans les propriétés viticoles »
- Les visites au domaine payantes, ce n’est pas mal perçu.
Je suis de ceux, qui de part leur éducation judéo-chrétienne un tantinet conservatrice, éprouve un certain malaise à parler d’argent et encore plus à en réclamer ; sous couvert d’une noblesse de cœur, c’est avouons-le une pudeur souvent mal placée. En effet, la gratuité n’a pas pour corolaire la convivialité et la qualité. Faire payer n’a rien de honteux, si tant est qu’on offre une réelle prestation. Certes, le visiteur comprendrait mal de payer un simple tour du propriétaire au pas de charge, mais si du temps lui est consacré avec une dégustation de vins en point d’orgue, il n’aura aucun mal à payer un prix raisonnable. Un seul cas peut gêner, c’est celui de facturer le prix de la visite quand celle-ci est suivi d’un achat conséquent. Pour ceux qui peinent à réclamer de l’argent, rien ne les empêche alors d’offrir la visite au moment de l’achat. Personnellement, j’aime bien ce principe et encore plus quand le geste est effectué de manière spontanée, en guise de geste commerciale au prétexte que le visiteur est sympathique ; cela personnalise la relation visiteur-viticulteur et rien de telle en matière d’œnotourisme !
- Les visites au château payantes, c’est valoriser sa marque
C’est un concept marketing sorti tout droit d’un étudiant en école de commerce, mais n’en déplaise aux anciens, c’est une vérité. Pour beaucoup la notion de marque est abstraite et le prix est totalement déconnecté de cette notion. Or, le prix d’un produit n’est pas que déterminé par les coûts liés au produit. La marque, et en l’espèce les vins d’une propriété, c’est une histoire, un produit, une réputation… Tout comme la bouteille de vin à un prix, la visite de la propriété est un « accessoire » qui mérite de ne pas être galvaudé. Aujourd’hui, faire visiter et déguster gratuitement son vin, cela revient à minimiser sa qualité. Donner un prix aux choses permet de les valoriser et l’œnotouriste cherche avant tout à découvrir la qualité ; nous ne sommes pas encore dans un œnotourisme de masse et le visiteur porte son choix sur les propriétés qui font payer (les statistiques de Wine Tour Booking sont éloquentes sur ce point).
En réalité, le choix du visiteur ne se fait donc pas par le prix. Comme évoqué plus haut, la marque a son importance, mais aussi sur les prestations proposées. En effet, qu’est ce qui va guider le choix du visiteur pour telle ou telle propriété à visiter. Si l’on considère qu’il est prêt à payer un prix pour une prestation de qualité, il faut alors savoir le satisfaire et mettre en avant sa prestation. Certes, certaines propriétés, type Château Pavie ou Château Pape Clément pour n’en citer que deux, ont pour eux le prestige de la marque ; mais, pour d’autres, moins connus, il est certain qu’il faudra miser sur d’autres aspects pour se démarquer ; ce peut être la beauté du lieu, la dégustation elle-même, les animations proposées…
- Les visites à la cave payantes, c’est éviter les annulations de rendez-vous
Ce n’est en rien un constat propre au monde viticole, mais au contraire valable pour toutes les activités ou invitations. Le paiement d’avance engage et évite l’option et les annulations de dernières minutes. Celui qui prône la visite gratuite sur rendez-vous l’apprendra vite à ses dépens : les gens ne sont pas tous très bien élevés et nombreux seront ceux qui annuleront sans même prévenir. Etrangement, les annulations par omission sont bien plus rares quand les visites sont payantes – à supposer que le paiement soit effectué par avance. C’est d’ailleurs un des avantages de la réservation en ligne, laquelle permet de sécuriser ainsi son planning. Avouons le, quoi de plus énervant que ces annulations intempestives sans prévenir !
- Les visites au chateau payantes, c’est plus de visiteurs et non l’inverse.
L’objectif d’une propriété qui est ouverte l’œnotourisme, c’est bien entendu d’accueillir le plus possible de visiteurs, tout en privilégiant telle ou telle catégorie de visiteurs. Le prix peut permettre cette sélection qualitative (attention rien de péjoratif dans la notion de visiteur de qualité, mais tout simplement une classification par type de visiteurs). Selon sa typologie de clientèle de chacun, on ne proposera ni la même prestation, ni le même prix. On comprendra aisément que celui qui vend son vin à 5 euros la bouteille ne peut raisonnablement réclamer 20 euros par visite ; a contrario, celui qui vend sa bouteille à 100 euros, peut se permettre de faire payer la visite 50 euros…pourvu qu’il puisse boire du dit-vin. Quant à celui qui accueille gratuitement, il y a fort à parier que viennent en priorité chez lui, non pas les passionnés de vins, mais les « touristes », qui plus est adeptes du tourisme à bas coût. Non pas que je n’aime pas ces touristes, mais ce ne sont pas la cible recherchée et en rien des acheteurs et les ambassadeurs du vin. Autant éviter de perdre son temps et de partager un vrai moment de complicité avec ses visiteurs.
Pour les viticulteurs qui se demandent encore s’ils doivent faire payer mes visites à la propriété, je conseillerai plutôt de se demander ce qu’ils peuvent offrir de plus qu’un simple tour du propriétaire, pour justifier le prix demandé. L’unique service qui doit rester gratuit et obligatoire, c’est le sourire !