Il n’y a pas si longtemps , il était de bon ton d’apposer dans la rubrique « centre d’intérêt » de votre curriculum vitae, la mention « voyage », afin de démontrer votre curiosité et votre ouverture d’esprit. Dorénavant, me confiait un recruteur, voyager s’étant banaliser, la mention à la mode est « L’œnologie » !
Faut-il en déduire que la passion pour le vin véhicule des valeurs positives ? très certainement ; qu’il y ait un engouement pour le monde du vin ? Sans nul doute ; Que nous regorgeons d’œnologues en herbe ? Soyons plus circonspects avec l’ Oenologie…
1- L’œnologie, ou la passion du vin, un socle de valeurs positives ?
Rappelons que par œnologie, on entend la science qui a pour objet l’étude et la connaissance du vin et par extension tous les domaines touchant de près ou de loin à la culture du vin.
Aussi, en mentionnant sur un CV « œnologie », il faut plus y voir une digression de vocabulaire pour évoquer un intérêt manifeste pour tout ce qui attrait au vin. Pour en avoir longuement discuté avec mon ami recruteur, on constate que les candidats cherchent avant tout, à afficher leur attachement à un certain art de vivre, source d’équilibre. On pourrait penser que l’épicurisme est en contradiction avec le travail, mais loin s’en faut. Aimer le vin, c’est en quelque sorte aimer la vie et par voie de conséquence, être « bien dans sa peau » ; or, au-delà des compétences, les entreprises veulent en priorité des personnes équilibrées et non des névrosés du travail.
En outre, l’œnologue ou amateur de vin n’est pas celui qui boit son vin au comptoir ; il est nécessairement curieux, tant la matière est complexe et nécessite un long apprentissage. Passionné, car à défaut, il ne progressera pas ; il aime en outre voyager, si l’on se réfère à l’essor de l’œnotourisme ; enfin très convivial, le vin étant fédérateur et désinhibant. En bref, aimer le vin est devenu, à n’en point douter et aussi étonnant que cela puisse paraître, un bon point dans un CV.
2- L’œnologie, un effet de mode ou un véritable engouement ?
Certains peuvent s’étonner qu’émergent tant de pseudo œnologues et douter de la véracité de ces mentions. Evidemment, quelques candidats peu sourcilleux abusent de ces mentions superfétatoires mais dans l’ensemble, il est indéniable que l’œnologie, mais aussi la gastronomie, sont des matières qui ont le vent en poupe. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les offres florissantes de stages ou cours d’œnologie, le nombre croissant de cercles œnologiques, de dégustations ouvertes aux particuliers ou encore de salons dédiés au vin.
Un autre phénomène qui vient corroborer cet engouement, c’est le formidable essor de l’œnotourisme. On a déjà beaucoup écrit sur ce sujet mais il convient de souligner que cet attrait vers la visite des propriétés viticoles, n’est pas l’apanage des retraités (cf. . le portrait-robot de l’oenotouriste). Nombreux sont en effet les jeunes qui viennent sillonner les vignobles dans un but initiatique, l’activité étant même des plus « branchées », pour parler jeun’s.
Les châteaux, notamment à Bordeaux, l’ont bien compris, et assurent des dégustations de plus en plus techniques. De même, des stages sont proposés pour les plus passionnés et rencontrent un franc succès.
3- L’œnologie reste une science ?
Apposer « œnologie » dans un CV est le plus souvent un abus de langage, car il ne faut pas oublier que l’œnologue est à la vigne ce que le chirurgien est à la médecine. En cela, ne devient pas œnologue qui veut et certainement pas à la faveur de quelques dégustations entre amis, de lecture de livres spécialisés ou de visites de chais. Moi-même qui ait arpenté nombre de vignobles, bu au-delà du raisonnable mais passionnément… je ne suis qu’un piètre œnologue et tout juste un amateur de vins. S’il est un domaine où l’humilité est de mise et où l’expérience s’acquiert sur le long terme, c’est celui du vin. A nos chérubins qui afficheraient une trop grande condescendance dans ce domaine, mieux vaut raison garder et faire preuve d’humilité, en se contentant d’afficher une légitime passion.
Alors, comment progresser me direz-vous ? Pour cela, il faut faire travailler tous les sens ; il faut certes goûter, mais aussi lire, observer, sentir et écouter ceux qui s’y connaissent. Le mieux reste encore d’aller à la rencontre des vignerons et de partager leur passion du terroir. Tout est souvent une question de rencontre et je privilégierai donc pour parfaire mes connaissances, les rencontres avec les vignerons plus que « les grands noms » ou avec des œnologues comme à Fourcas Hostens (où travaille une jeune œnologue émérite, passionnante et passionnée).
En conclusion, on ne peut qu’être ravi d’apprendre que l’œnologie ait acquis de telles lettres de noblesse, qu’elle devienne un faire-valoir dans les candidatures. Quand bien même il peut certes s’agir d’un effet de mode, il n’en demeure pas moins que c’est le juste reflet d’un engouement pour le vin. Enfin, gardons à l’esprit qu’il s’agit d’une science qu’il convient d’aborder certes avec passion mais aussi avec humilité.