Dans le cadre de l’enquête d’utilité publique sur les projets de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour alerter des dangers de tels tracés. En effet, ce sont ni plus ni moins les appellations Sauternes et Barsac qui sont menacés de disparition. Foutaises et lubies de quelques écolos extrémistes toujours vent debout contre le progrès ? Que nenni car il s’agit d’une menace réelle qui appelle quelques précisions et suscite également des réflexions.
1 – Le projet de la LGV et ses menaces sur le Sauternais
En 2017, Bordeaux ne sera plus qu’à deux heures de Paris et tout le monde s’en félicite, sauf peut-être ceux qui voient la ligne traverser leur territoire. Alors pourquoi diantre s’offusquer de vouloir rapprocher Toulouse et Dax de Bordeaux ? Veuillez bien croire que ce n’est en rien par pur égoïsme, avec pour seul objectif de laisser les nuisances aux autres ; pour preuve le trajet de la LGV ne passe pas directement sur le Sauternais, mais à une trentaine de kilomètres. Alors pourquoi ? Il s’avère que le tracé de l’ouvrage coupe le Ciron en 3 endroits, de même que 30 de ses affluents et 84 tributaires. On peut s’attendre également à un déboisement conséquent d’une partie de la zone….
Or, pour ceux qui ne le savent pas les vignobles de Sauternes et Barsac sont uniques au monde parce qu’ils sont totalement dépendants d’un écosystème, qui conditionne un microclimat, lequel favorise l’apparition du fameux Botrytis, qui est à la base de ces vins. Ces vignobles couvrent plus de 2000 ha, avec environs 200 producteurs. Avec la LGV, c’est la vallée du Ciron qui est gravement mis en danger, avec un impact certain sur la qualité de la ressource en eau, sur l’hydrologie et donc de l’écosystème dans sa globalité.
Comment penser en effet que ces travaux ne vont pas avoir de forts impacts sur cet environnement si proche et si particulier ? Hormis à Rouen, rares sont les endroits où le brouillard tarde autant à s’éclipser, et ceci tout simplement car les eaux du Ciron sont plus froides et que la zone est boisée. On prête à John Wayne le fait d’avoir dit un jour « qu’Yquem était le Shériff de la Région, le Ciron était le Rio Bravo et l’or le sauternes » ; si l’on touche au Ciron, on risque donc de ne plus trouver de Sauternes, ni même d’Yquem…
2 – Les menaces sur le sauternais suscitent des réflexions
Le panorama est certes pessimiste et n’étant pas spécialiste en géologie ou hydrométrie, je ne me permettrais pas d’apporter une contribution technique. Néanmoins, je suis interloqué par le nombre de contributeurs soulevant les menaces graves qui pèsent sur ces vignobles. Qu’ils soient techniciens, œnologues ou propriétaires, tous s’accordent à dire que les travaux peuvent engendrer des répercussions catastrophiques et irrémédiables sur l’écosystème et par voie de conséquences sur ces vignobles si particuliers.
Ces alertes sont d’ailleurs corroborées par deux avis récents du ministère de l’agriculture défavorable au projet présenté. Or, si l’on part du postulat que jamais, ô grand jamais, personne n’oserait prendre le risque de voir disparaitre les vins de sauternes, comment en est-on arrivé là ? Fussent-ils parisiens et non amateurs de vins, on peut penser que ceux qui ont proposé le tracé ont creusé ces points ? A moins que non….
Parmi les contributeurs à l’enquête publique, (mais peut-être je me trompe car je n’ai pas accès à tous les documents) ce qui me frappe également c’est l’absence de « voix politiques » et la dispersion des protestataires. En effet, ce sujet fait beaucoup parler ces derniers jours dans le landerneau vino-bordelais, et parmi les personnes interrogées, personne n’a pu me dire quelles étaient les positions de nos représentants ?
J’ai consulté quelques blogs de politiques influents, mais je n’ai rien trouvé. Est-ce trop tôt pour se prononcer puisque nous sommes encore dans la phase d’enquête ? Sans doute, mais la vox populi aura besoin du soutien des politiques si elle veut se faire entendre. De même donc, les voix semblent dispersés et même si le fond du discours reste le même, d’autres débats sur l’utilisation de l’argent public ou sur l’utilité d’améliorer les transports viennent polluer le discours. Il convient de s’organiser pour avoir un discours audible.
Une chose est sûre, c’est que tôt ou tard (mais attention pas trop tard !), il faudra que nos élus locaux usent, si tant est qu’ils le veuillent, de leur influence au niveau national. En Bretagne, ils étaient nombreux à soutenir les bonnets rouges ; gageons que les élus du Sud-Ouest fassent de même pour que nous ne portions pas un bonnet d’âne !